Manille, Philippines. – Samedi soir (20 octobre 2018), neuf travailleurs de l’industrie sucrière ont été abattus dans une plantation de la ville de Sagay, dans la province de Negros Occidental au centre des Philippines.

Selon des informations locales, des dizaines d’hommes armés ont attaqué les ouvriers agricoles vers 21 h 30, alors que les victimes dormaient dans leurs huttes improvisées.

Les ouvriers agricoles tués étaient des membres du syndicat de la Fédération nationale des travailleurs de l’industrie du sucre (NFSW)

Parmi eux se trouvaient trois femmes et deux mineurs. Ils faisaient partie d’un groupement de culture collective des terres ou «bungkalan» située dans l’Hacienda Nene, une plantation de canne à sucre contestée par la NFSW. Par le biais de «bungkalan», les agriculteurs occupent des terres inutilisées et non distribuées couvertes par le programme de réforme agraire du gouvernement afin d’affirmer leur droit à la terre et à la nourriture.

Les agriculteurs qui ont survécu à la tuerie ont signalé qu’au moins 40 hommes armés étaient arrivés et leur avaient tiré dessus.

Le massacre sanglant a eu lieu le lendemain du début de la culture collective des terres « bungkalan » par les ouvriers agricoles (vendredi dernier – 19 octobre). Cette mise en culture militante a eu lieu sur 75 hectares de terres au sein de l’Hacienda Nene.

Les campagnes de « bungkalan » se multiplient dans la province philippine de Negros afin de faire pression pour la restitution des terres aux paysans. Selon la NFSW, les « bungkalan » ébranlent le système d’hacienda qui a permis de concentrer de vastes superficies de plantations de canne à sucre entre les mains de quelques propriétaires.

« Les propriétaires ont terriblement peur de la force unifiée des agriculteurs pour cultiver collectivement la terre. Ils ont même abouti à l’utilisation de la force brutale et de meurtres pour attaquer les agriculteurs qui continuent d’affirmer et de défendre leurs droits démocratiques, civils et politiques », a déclaré John Lozande, dirigeant de la NFSW.

Autre Terre condamne fermement ces assassinats

L’ONG a un lien particulier avec cette communauté puisqu’elle a soutenu de 1996 à 2004 les communautés paysannes de l’île de Negros via l’ONG locale « PDG » afin que ces communautés puissent s’autonomiser des grands propriétaires terriens. Aujourd’hui, les liens restent forts et Autre terre continue à soutenir cette communauté, notamment via l’accompagnement de la University of Philippines Singing Ambassadors (UPSA) qui était encore en Belgique et l’Europe entière cet été pour une tournée internationale.

La loi de réforme agraire philippine a officialisé que les grands propriétaires terriens devaient rendre leur terre. Toutefois, la grande majorité ne l’a pas fait. Un bureau de ministère est chargé de gérer cette rétrocession mais extrêmement lent voir immobile. Donc les paysans anticipent cette rétrocession en occupant et cultivant les terres appartenant aux grands propriétaires terriens mais laissées en friche.

La NFSW a condamné les meurtres des membres de leur syndicat

La NFSW a demandé justice pour ce qu’ils appellent maintenant «Sagay 9». Cela porte le total des assassinats politiques, sous le gouvernement Duterte, à 45 dans la seule île de Negros, dont 36 agriculteurs et ouvriers agricoles.

La PCFS alerte les médias internationaux

De son côté, la Coalition des peuples sur la souveraineté alimentaire (PCFS) s’est associée aux agriculteurs et au peuple philippins pour condamner cette attaque brutale contre les petits producteurs et a appelé à ce que justice soit rendue sans tarder. « Il est abominable que le nombre de meurtres de paysans aux Philippines ait atteint un point tel que le pays est en train de devenir le lieu le plus dangereux pour les agriculteurs au monde. La culture de l’impunité et de la violence meurtrière contre les petits agriculteurs et les ouvriers agricoles doit être stoppée », a déclaré Roy Anunciacion, coordinateur mondial de PCFS.

Communiqué de presse