Au Burkina Faso, plus de la moitié de la production agricole dépend des femmes alors qu’elles ne possèdent que 8% des terres agricoles (sources Nations Unies). Nous avons rencontré Souleymane Yougbaré, chargé de mission au Conseil National de l’Agriculture Biologique afin qu’il dresse le bilan du rôle des femmes dans l’agriculture.

Quelle est la situation des femmes agricultrices actuellement au Burkina Faso ?

L’agriculture au niveau du Burkina Faso est une affaire de femmes. La femme est considérée comme garante du ménage et est donc active sur toutes les tâches agricoles. Au moins 70% du maraîchage est ainsi réalisé par les femmes. Au niveau des grandes cultures de céréales, ce sont habituellement les hommes qui sont à la manœuvre mais on constate qu’ils se chargent surtout des travaux lourds (travail du sol, aménagement de la parcelle) alors que les femmes ainsi que les jeunes sont mobilisé·es pour toutes les autres tâches : semis, désherbage, entretien, récolte.

À part la charge de travail, quels sont les problèmes que rencontrent les femmes burkinabées ?

Le problème principal est lié à l’accès à la terre. Dans les coutumes, la terre appartient aux hommes, chose surprenante car ce sont les femmes qui produisent. C’est également le cas pour l’accès aux intrants (semences et fertilisants), les femmes y ont difficilement accès. Mais cela devient une opportunité car, par la force des choses, elles sont plus enclines à utiliser la fumure organique. Mais l’épine dorsale, c’est l’accès à la terre. Les propriétaires terriens peuvent la prêter ou la louer mais elles risquent toujours de se faire chasser du jour au lendemain.

La certification biologique participative peut répondre à ce problème car vu qu’elle demande beaucoup d’effort, il faut éviter que la terre soit perdue par la suite. C’est pourquoi les démarches de certification s’accompagnent de plaidoyer auprès des autorités coutumières. On met en avant l’avantage des revenus en cas de certification, mais également l’avantage de la protection de l’environnement.

Une de nos stratégies consiste à impliquer dans les organisations paysannes certifiées un ou deux hommes membres qui représentent les propriétaires terriens. Si on inclut les propriétaires terriens dans l’organisation, ils sont beaucoup plus enclins à garantir une stabilité d’accès à la terre pour les femmes.

Est-ce que l’agroécologie peut être une stratégie pour l’amélioration des rapports entre hommes et femmes ?

Le fait que la femme arrive davantage à contribuer aux dépenses de sa famille motive son mari à la soutenir. Une fois qu’elle s’émancipe par la commercialisation ou le réseautage, elle est plus forte pour proposer des orientations au sein du ménage.

Petit-à-petit des hommes « alliés » apparaissent, sur lesquels les femmes peuvent s’appuyer pour faire du plaidoyer pour l’accès aux intrants et à la terre. Dans l’association « la saisonnière », les femmes productrices balayaient anciennement les rues et maintenant elles peuvent soutenir financièrement leur famille parce qu’elles ont pu bénéficier d’un titre de propriété via un bail de 99 ans. Et cela ne peut se faire aujourd’hui sans le soutien d’hommes alliés.

Propos recueillis par Benoit Naveau


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