Nicolas Sersiron est président du CADTM France et auteur du livre Dette et extractivisme. Nous l’avons rencontré afin d’identifier les mécanismes qui permettent aux multinationales d’exploiter les ressources des pays dits du Sud.
© photo : Steve Cagan

Ces mécanismes trouvent leur origine dans l’histoire coloniale. À l’époque, les pays colonisateurs se sont endettés auprès de la Banque Mondiale afin de financer des infrastructures facilitant l’accès aux ressources des colonies. À l’heure de leur indépendance, les dettes des colonisateurs ont été transférées aux ex-pays colonisés. Ces pays continuent à contracter eux-mêmes de nouveaux prêts. Ceux-ci servent principalement à développer un secteur d’activité économique. Ce secteur est centré sur l’exploitation de leurs matières premières visant l’enrichissement d’une caste dominante et de quelques entreprises multinationales. Il s’agissait des fameux « éléphants blancs » : des gigantesques barrages alimentant en électricité les mines du Katanga mais oubliant les villages, des routes interminables destinées à transporter les minerais, des ports, etc.

Ce système extractiviste fut relativement stable tant que les taux d’intérêt de ces dettes restaient faibles. Mais progressivement, les taux explosent passant de 11 à 20% entre 1979 et 1980. Les pays endettés se retrouvent la corde au cou et n’arrivent plus à faire face aux remboursements. Ils ont alors recours au Fond Monétaire International (FMI). Celui-ci les soumet aux fameux plans d’ajustement structurels : privatisation de leurs entreprises publiques (dont les mines), économie tournée vers l’exportation, suppression des barrières douanières et du contrôle des mouvements de capitaux.

C’est pourquoi selon Nicolas Sersiron, la dette est un levier de l’extractivisme qui génère lui-même des dettes : ces pays sont à la merci de grandes entreprises étrangères.

« La violence de la colonisation se poursuit par la violence de la dette illégitime. »

Maximisation des profits par les multinationales

L’extractivisme est un mode spécifique d’accumulation de richesses, reposant sur des activités qui extraient d’importantes quantités de ressources naturelles non-transformées sur place et principalement destinées à l’export.

Une multinationale possède généralement plusieurs filiales. L’une s’occupe de l’extraction des ressources dans le pays d’exploitation où le manque d’administration et, dans certains cas, la corruption nuisent au contrôle des quantités. Nicolas Sersiron pointe un premier vol sur les quantités.

S’en suivent des achats et des ventes entre les différentes filiales de la multinationale qui limite un maximum ses bénéfices en dehors des paradis fiscaux afin de payer le moins de taxes possibles. Le président du CADTM France dénonce un vol organisé : le pays exportateur est volé, mais le pays importateur aussi puisque l’argent reste dans les paradis fiscaux, moteurs du capitalisme. On nomme cela les prix de transfert.

À cela s’ajoute la plus-value sur la transformation des matières premières et les emplois qu’elle génère. Cette transformation s’opère dans les pays industrialisés, autrement dit, les ex-pays colonisés ne retirent que très peu de valeur ajoutée.

L’extractivisme s’inscrit dans un système politico-économique basé sur la dépendance des anciennes colonies. Il se traduit par une destruction massive de l’environnement, l’épuisement des ressources et la dégradation des conditions de vie des populations locales.

Nous vous invitons à écouter Nicolas Sersiron ici :


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