La gestion des déchets solides est parmi les neuf domaines de compétences transférées aux Collectivités Territoriales du Sénégal. Cependant, à cause de la faiblesse de leurs moyens et de l’ampleur de l’action, aucune des 552 communes que compte le pays n’est capable de porter correctement celle-ci. Aussi, assistons-nous à différentes approches pour la prise en charge de ce secteur dans l’étendue du territoire national.

La politique d’intervention de l’Etat est marquée par des approches différenciées suivant les zones géographiques :
  • Dans la capitale, Dakar, l’Unité de Coordination et de Gestion (UCG), une agence du Ministère l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène Publique, gère les déchets, en appui aux communes. De ce fait, l’Etat paie directement le service de collecte effectué par des concessionnaires privés dans les trois départements de l’agglomération. Au titre de l’année 2020, il y a investi près de 18,5 milliards de Fcfa (28 203 068 euros). Sa volonté de prendre en charge directement ce secteur, par l’UCG, est sous-tendue par les enseignements tirés des résultats mitigés des différentes expériences précédentes de régie directe et de gestion déléguée.
  • Dans les capitales régionales, l’Etat intervient en appui aux communes par le biais de l’UCG. Auparavant, ses actions étaient plus centrées sur des opérations ponctuelles de nettoiement des dépôts d’ordures. Cependant, depuis deux ans, elles sont devenues plus structurées et articulées à la collecte en porte-à-porte auprès des ménages, à l’apport volontaire d’ordures dans les Points de Regroupement Normalisé (PRN) installés dans les quartiers, au balayage et à l’enlèvement régulier de bacs de rue. De plus, il est important de noter l’aménagement de trois Centres Intégrés de Valorisation des Déchets (CIVD), dont le but est de mettre en place, dans trois grandes communes du pays (Touba, Tivaouane et Kaolack), un système durable et rationnel intégrant le tri, la valorisation et l’élimination finale par l’enfouissement. Cependant, les travaux démarrés depuis quelques années restent encore inachevés. Pour accélérer le processus de préservation de l’environnement urbain au Sénégal, le Chef de l’Etat a procédé, le 24 juin 2021, au lancement officiel du Projet de promotion de la gestion intégrée et de l’économie des déchets solides (Promoged). Ce dernier qui sera exécuté dans 138 communes, a pour entre autres objectifs, d’améliorer la gestion des déchets solides, de booster la valorisation et de proposer des axes de réforme. Il consacrera la mise aux normes techniques et environnementales de Mbeubeus, grande décharge de Dakar d’une superficie de 114 hectares, qui reçoit plus de 2200 tonnes d’ordures par jour.
  • Dans les communes de taille moyenne, l’intervention de l’Etat reste ponctuelle. Elle est surtout marquée par des opérations d’éradication de dépôts sauvages, à la demande des autorités municipales ou à l’approche d’événements majeurs dans leurs contrées. Toutefois, de nombreuses communes disent ne pas bénéficier de l’appui de l’Etat et le manque de ressource financière entraîne des manquements graves dans la gestion des ordures. C’est ce qui a conduit au foisonnement d’initiatives communautaires portées par des organisations de la société civile engagées à contribuer voire à porter elles-mêmes la tâche de collecte et de transport de déchets, très souvent vers des sites non autorisés.   

Hormis Dakar, dans la quasi-totalité des communes du pays, le système de gestion des déchets est mixte, voire totalement porté, à maints endroits, par les initiatives associatives. Celles-ci sont nées de la volonté des citoyens, regroupés au sein d’organisations communautaires ou de groupements d’intérêt économique, de contribuer aux réponses à la crise environnementale que connaissent leurs collectivités territoriales.

A Gandiaye, Kahone et Keur Madiabel, communes de l’intérieur du pays, dans la région de Kaolack, accompagnées par l’ONG Caritas Kaolack, en partenariat avec Autre Terre et d’autres organismes internationaux de solidarité, une expérience référentielle est en cours de mise en œuvre.

D’abord organisés en Cadres associatifs communaux, à partir de 2011, les acteurs ont fait évoluer leur statut en créant, depuis 2019, des coopératives de gestion des déchets solides. Ils ont, ainsi, signé des conventions avec les communes pour la collecte et le traitement des ordures. Au préalable, cette délégation de compétence repose sur un dispositif technique dont la mise en place a été soutenue par des partenaires, avec un concours matériel ou financier des communes. Il a permis l’acquisition d’équipements de collecte et de transport (charrettes et tricycles) et l’aménagement, dans chacune des communes, d’un centre de valorisation et de traitement (CVET). Il comprend plusieurs installations dont : un poste d’accueil, un bloc administratif, un box de stockage des déchets triés, des vestiaires, une plateforme de tri des déchets, une zone d’expérimentation agro-écologique, un casier d’enfouissement des déchets non recyclables, une lagune de stockage des eaux de pluie venant du casier.

Un modèle communautaire de gestion des déchets

Ce modèle communautaire de gestion des déchets dans ces trois communes offre l’avantage d’une forte appropriation par les populations car toute sa structuration part des quartiers, organisés en Cellules Environnementales de Base.

Celles-ci sont fédérées à l’échelle communale par la coopérative dont elles sont les sociétaires. Elles ont la tâche de conduire toutes les opérations de terrain : la sensibilisation des communautés à l’hygiène, l’organisation et le suivi de la collecte dans chaque quartier, le recouvrement des redevances du service rétribué à hauteur de 1000 Fcfa (1,5 euros) par mois et par poubelle de ménage, l’établissement des bilans de gestion, etc. Le modèle, de par son montage économique, offre la garantie d’une pérennité financière car il s’autofinance grâce aux concours des ménages.

A titre illustratif, durant l’année 2020, ils ont été évalués, sans les créances, à 22 655 900 Fcfa (34 539 euros). Les trois communes ont versé des subventions de 5 600 000 Fcfa (8 537 euros). Celles-ci, bien qu’enregistrées comme des recettes du système global, servent surtout au fonctionnement des CVET, des infrastructures communales dont l’exploitation est confiée aux coopératives. Les emplois directs et permanents créés sont au nombre de 43 dans les trois communes.

En outre, le modèle présente les gages d’une durabilité technique grâce à une maîtrise, par les acteurs communautaires, de sa technologie simple et adaptée aux pouvoirs et capacités locales. Ceci a été rendu possible grâce aux études de faisabilité technique, économique et environnementale qui ont été réalisées et ayant reposé sur le principe d’une recherche-action, avec une prise en compte des avis et des propositions des acteurs locaux.

L’implication de l’Etat dans cette expérience a été plutôt technique. Elle s’est traduite par l’appui apporté par ses services techniques compétents déconcentrés (Environnement, Urbanisme, Hygiène, Eaux et Forêts) et l’UCG durant la phase de mise en œuvre. Elle a, surtout, porté sur des contributions et des avis, lors des études, sur la participation à la sensibilisation des communautés et sur l’encadrement pendant les activités de reboisement dans les quartiers et les CVET. En dehors des appuis ci-dessus cités et des interventions ponctuelles de nettoyage mécanique conduites par l’UCG à la demande des autorités municipales pour éliminer les dépôts d’ordures, il n’y a pas d’appui spécifique de l’Etat pour la gestion des déchets dans les trois communes. Ceci a valu les actions de plaidoyer menées par les acteurs, pour demander aux communes des subventions plus substantielles et un concours de l’Etat pour aider à une gestion rationnelle des déchets.

Caritas, une expertise reconnue

Plusieurs visiteurs et observateurs nationaux et internationaux trouvent, en cette expérience, un modèle achevé et référentiel de gestion durable des déchets pour les communes de taille moyenne du Sénégal et de la sous-région ouest-africaine. Les résultats déjà obtenus ont sous-tendu la volonté commune des partenaires de Caritas Kaolack dont Autre Terre, le Secours Catholique (Caritas France) et Misereor (Caritas Allemagne) d’accompagner son extension à cinq autres communes du Sénégal à partir de 2022.

Visite de l’ambassadeur belge

Voulant s’enquérir de cette expérience soutenue, entre autres par l’ONG Belge Autre Terre, l’Ambassadeur de la Belgique au Sénégal a effectué une visite au CVET de Gandiaye, lors de sa tournée nationale, le 21 mai 2021. A cette occasion, différents témoignages dont le sien ont été recueillis et présentés ci-après :

« Cette visite est d’autant plus importante qu’elle montre à quel point la concertation avec les acteurs locaux est importante, dans un domaine (la gestion des ordures) qui est un défi pour toutes les villes et les villages du monde entier. Je vous transmets mes plus sincères félicitations pour ce beau projet que vous portez tous ensemble, qui m’impressionne et qui m’a beaucoup appris. Je tiens déjà à dire à quel point c’est un privilège pour un Ambassadeur de savoir qu’une des ONG de son pays a apporté une petite pierre à cet édifice que vous avez tous ensemble porté pour ce très beau résultat ». Hubert Roisin, Ambassadeur de la Belgique au Sénégal  

« La démarche présentée dans l’ensemble de ce processus, montre aisément que le développement local et territorial ne peut se faire sans les populations qui sont impliquées depuis le début de l’action, dans la phase de mise en œuvre et de suivi et aujourd’hui fédérées par une organisation structurée, délégataire du système global. Ceci crée les conditions de l’efficacité, de l’efficience et de la transparence qui constituent les bases du développement territorial réel et viable ». Baba Ndiaye, Président du Conseil Départemental de Kaolack

« Nous déclarons que Gandiaye est une ville durable et nous agissons dans ce sens pour que la gestion des déchets soit une solution et pas un problème. Il est important de souligner que l’accompagnement de Caritas a été déterminant pour organiser les acteurs, les former et appuyer les municipalités dans la réflexion, la réalisation des ouvrages et le démarrage de l’exploitation ». Pape Songdé DIOP, Maire de la commune de Gandiaye

 « Merci pour cet effort soutenu de solidarité internationale et multidimensionnelle, permettant de mener une action plus pertinente et efficace au service des populations. Ce projet n’est pas à sa fin mais à une étape eu égard aux enjeux et défis qui requièrent le respect de la dimension environnementale dans ses critères de durabilité ». Abbé Etienne NDONG, Directeur de Caritas Kaolack


Cet article fait partie d’Autre Terre Magazine #12 qui parle du Sénégal. Pour lire les autres articles, cliquez-ici.

partager